Depuis 3 ans, j’interviens à l’Université Technologique de Compiègne, dans un dispositif pédagogique relatif à l’écologie, que je vais partager ici :
La formation aux enjeux environnementaux est désormais un élément indispensable du socle de formation des ingénieurs. Ce constat est d’autant plus saillant qu’il émane en partie d’une demande des étudiants eux-mêmes. Depuis septembre 2022, l’université de technologie de Compiègne offre à tous ses primo-entrants post-bac un module obligatoire de sensibilisation.
Les effectifs concernés (440 étudiants à l’automne, 95 au printemps) incitent à choisir des dispositifs pédagogiques massifs et transmissifs, dont on connaît pourtant les limites : trop généraux, peu efficaces pour capter l’attention des étudiants, mal adaptés à la forte hétérogéneité des niveaux de compréhension. A ces difficultés s’ajoute la problématique de l’éco-anxiété : comment enseigner les limites planétaires sans mettre les apprenants dans des situations émotionnellement difficiles sans les accompagner ? Les dispositifs pédagogiques requis se doivent d’être plus actifs et surtout plus humains que les cours traditionnels. A l’UTC, ils se déploient actuellement dans le cadre de deux modules couplés.
Le premier s’intitule « introduction aux enjeux environnementaux pour l’ingénieur ». Son acronyme, IS00, symbolise son positionnement comme prérequis pour d’autres
enseignements en lien avec l’ingénierie soutenable. Ce module de 2 ECTS dispose tout au long d’un semestre d’un créneau hebdomadaire dédié en alternance à 7 cours magistraux de deux heures et 6 séances d’échange d’une heure en très pet groupe, auxquels s’ajoute une fresque du climat. Les cours de deux heures sont animés par une équipe interdisciplinaire de l’UTC sur des thématiques diverses : Systémique et limites planétaires, Biodiversité, Ingénierie et industrie, Réflexion autour de l’inaction, Scénarios d’évolution possible. Ces contenus sont revisités de manière plus informelle lors des séances d’échange nommées « régulations »regroupant moins de 10 étudiants et conduites par un étudiant « animateur ».
Le second module de ce dispositif, intitulé « accompagner la conscientisation socio-
écologique » ou IS10, est le support de formation en vue de ces séances. Les étudiants
animateurs, préalablement formés à l’animation, bénéficient durant toute la durée du module de séances bimensuelles dites de « métarégulation » pour les assister dans leur construction de compétences d’animation , de communication sur les enjeux écologiques et d’accueil des ressentis. Il s’agit de réguler et soutenir le rôle insolite et exigeant qui est le leur dans cette situation, mi-prof mi-étudiant, mais ni prof ni étudiant.
Ce dispositif a été conçu par un collectif rassemblant étudiants, enseignants et personnels, informel mais en dialogue avec les instances de l’établissement, qui nourrit depuis plusieurs années les réflexions et actions internes sur l’ingénierie soutenable.
Je suis donc formatrice lors de séances dites de métarégulation pour former les étudiants animateurs du module IS10 « accompagner la conscientisation socio-écologique ». Il s’agit de formation à l’animation et d’analyses de pratiques , car les étudiants animent un cycle de séances d’une heure dites de régulation avec un groupe de 8 étudiants. Celles-ci ont pour objectifs:
- Réactions / impressions / ressentis / émotions en lien avec la conférence et sa thématique.
- Points de compréhension, réceptivité quant aux contenus.
- « débat » ou échanges entre étudiants sur le fond du sujet, à partir de questions
Je trouve ce dispositif très intéressant car incluant un temps de partage des ressentis/émotions, au fur et mesure des différents apports conceptuels. Les questions d' »ecoanxiété » y sont régulièrement abordées.
J’interviens aussi deux fois par an dans un module optionnel dit API de 5 jours intitulé « Enjeux Climatiques » sur la question de l’écoanxiété et de l’animation.
L’enjeu de cette innovation est de permettre aux étudiants d’intégrer progressivement l’état des lieux écologique, en bénéficiant du soutien d’un petit groupe de pairs et d’étudiants animateurs formés.
Plus largement, ces expériences ouvrent à l’acquisition de nouvelles compétences construites progressivement: d’abord dans le premier module API, puis tout au long des régulations. Ceci préfigure le référentiel d’un nouveau métier, enseignant ou animateur accompagnant l’acquisition de connaissances écologiques et systémiques. Voici des compétences à formaliser: animation, pédagogie active, outils d’intelligence collective, connaissance des principaux enjeux écologiques, médiation cognitive, accompagnement de l’expression sur un sujet sensible (écoute, accès aux ressentis) , positionnement complexe car impliquant (le thème nécessite une conscience suffisante de sa propre gestion des émotions et de sa posture vis à vis du thème)